Deux Algériens tués à Nancy, juillet 1961


Est Républicain du 22 juillet 1961


 

Comment la présence de paras de retour d’Algérie dans une région de forte immigration algérienne a-t-elle entrainé des tensions ? 

 

Dans l’entre-deux-guerres, la Lorraine figure déjà parmi les régions de la métropole qui attirent le plus de migrants algériens, notamment en raison de son rattachement au réseau ferré qui amène vers les mines de charbon à l’est ou les bassins industriels au nord. Au moment du déclenchement de la guerre d’indépendance algérienne, on compte environ 30 000 Algériens dans les seuls départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle. Ceux-ci habitent dans les agglomérations de Thionville, de Forbach et de Longwy, ainsi que dans les plus grandes villes telles que Nancy ou Metz. La population algérienne fait l’objet d’une grande attention de la part de la presse locale et de la municipalité. Leur présence semble poser problème... 

Le contexte de l’année 1961

21 - 26 avril : tentative de putsch des généraux à Alger. Dans la nuit du 21 au 22 avril, les généraux Challe, Jouhaud, Zeller, rejoints par le général Salan le 23 avril, parviennent à soulever plusieurs régiments dans un coup de force pour s’opposer à la politique algérienne du général de Gaulle. Le 1er régiment étranger de parachutistes commandé par Hélie de Saint-Marc prend le contrôle de la ville d'Alger. Le putsch dure quatre jours avant son échec. 

Les militaires sont ensuite rapatriés en France pour écarter ces militaires des populations algériennes et pour que la situation ne recommence pas. 

Le 22 Juillet 1961 à Nancy 

→ La presse relate que des agressions commises par des parachutistes contre des Algériens ont eu lieu en Lorraine. A Nancy, peu après 23 heures dans la rue Saint-Dizier, un Algérien, Hocine Hallali (36 ans), est touché à l’aorte par un groupe de parachutistes. Une demi-heure plus tard, un autre Algérien, Abdallah Bouzenka (26 ans), est retrouvé mort sur la place du général-de-Castelnau, atteint de six coups de poignard. L’implication des parachutistes dans ce crime ne fait aucun doute. 

→ Puis, le lendemain, dans la nuit du 23 au 24 Juillet 1961 à Metz, une ratonnade plus violente a lieu (voir à ce sujet la notice d’Aymeric). → On peut expliquer cet évènement tragique de la manière suivante : Les paras se croient autorisés à intervenir parce qu’il y a de la violence qu’ils veulent réguler par leur propre violence, comme ils l’ont fait en Algérie avec l’autorisation de l’État. Ils n’ont pas l’air d’avoir compris que le contexte était différent en métropole → L’explication de cette montée de la violence des paras peut notamment s’expliquer par la perte des colonies françaises comme l’Indochine en 1954 par exemple. Les militaires veulent alors un coupable pour passer leurs nerfs et “se venger” en quelque sorte. Les choses ne s’arrangent pas et l’on assite désormais à de fortes tensions entre Algériens et Français. 

 

Le cortège de 1500 Algériens lors des funérailles, ici rue Lionnois [ER du 24 juillet 1961]
 
 

 

Enterrement des 2 victimes

 → Un cortège a lieu pour enterrer ces deux algériens (23 Juillet 1961) : Quinze cent Algériens se sont mobilisés pour escorter les deux victimes. → Hommage très solennel, sans bruit et dans les journaux, on peut lire l’évènement suivant : “Un camion de para est passé près du cortège et ne s’en est pas pris aux individus”. C’est la preuve, entre autres, que les militaires ont retenu la leçon et ne doivent plus recommencer. →A la suite du meurtre des deux Algériens, des contrôles de la police envers les militaires ont lieu pour les surveiller, c’est à dire pour ne pas qu’ils recommencent leur agression envers les populations étrangères.

 

Est Républicain du 28 juillet 1961

 

Après le drame  

→ Le 27 juillet 1961, moins de 10 jours après l’incident, les paras se réunissent sur la Place Stanislas et font un parcours dans Nancy. Des soldats venus de toute la Lorraine assistent à ce défilé : des soldats de St-Avold, Vandoeuvre, Moulin-lès-Metz, Verdun... → Lors de ce défilé, les soldats portent leur tenue de parachutiste, c’est à dire une tenue léopard accompagnée d’un béret rouge. Cependant, cet accoutrement n’est pas vide de sens. En effet, on peut voir ici une certaine pression des militaires envers la population algérienne et par la même occasion, les parachutistes veulent montrer au peuple qu’il est protégé contre d’éventuels conflits. 

Notice rédigée par Anatole et Andréa-Karl

 

Sources:

 

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